Les Québécois consomment trop de sucre


Le Québec devra-t-il déclarer la guerre au sucre? Selon une étude publiée par des chercheurs de l’Université Laval, six adultes québécois sur dix consomment plus de sucres que la limite recommandée par l’Organisation mondiale de la santé.

Une étude publiée en septembre dernier dans la revue Nutrients montre que la majorité des adultes québécois consomment plus de sucres libres, c’est-à-dire des sucres ajoutés aux aliments et provenant des jus de fruits, que la limite recommandée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Des chercheurs de l’Université Laval arrivent à ce constat après avoir évalué les habitudes alimentaires d’un peu plus de 1 100 personnes.

Au Québec et ailleurs au Canada, il existe très peu de données sur la consommation de sucres libres. En effet, les bases de données nutritionnelles et l’industrie ne fournissent pas cette information. Pour réaliser cette étude, les chercheurs ont d’abord dû différencier manuellement les sucres libres des sucres naturellement présents dans les aliments en se basant sur un algorithme. « Ça a été une étape ardue parce qu’on y est allé très méthodiquement », témoigne Amélie Bergeron, étudiante-chercheuse et première auteure de l’étude.

Pour identifier les sucres libres, les chercheurs ont utilisé la définition de l’OMS. « Les sucres libres sont tous les sucres ajoutés [au moment de la préparation, de la transformation ou de la consommation des aliments] ainsi que les sucres naturellement présents dans les jus de fruits », explique Amélie Bergeron. « Ils ont été extraits de la matrice des aliments », renchérit-elle. Les sucres libres, notamment ceux consommés sous la forme de boissons sucrées et de jus de fruits, sont associées au développement de la carie dentaire, de l’obésité et des maladies chroniques.

Par la suite, les chercheurs ont analysé les aliments et boissons déclarés entre 2015 et 2017 par plus de 1 100 adultes provenant de cinq régions du Québec. Les participants devaient rapporter à trois reprises tout ce qu’ils avaient consommé la journée précédente à l’aide d’un outil Web validé.

Un verdict sucré amer

Les analyses révèlent que les adultes québécois consomment en moyenne 12% de leur apport énergétique quotidien sous forme de sucres libres. Or, l’OMS recommande de réduire la consommation de sucres libres à moins de 10% de l’apport énergétique total. Près de 60% des participants de l’étude ne respectaient pas cette recommandation.

Les résultats de l’étude montrent aussi que :

  • Les personnes de 50 à 65 ans sont celles qui consomment la plus faible proportion de leur apport énergétique sous forme de sucres libres.
  • L’apport relatif en sucre libre des Québécois (12%) est supérieur à celui des Espagnols (7%), similaire à celui des Suisses (11%) et des Australiens (12%), et inférieur à celui des Allemands (14%).

L’étude ne spécifie pas quels sont les aliments qui contribuent le plus à l’apport en sucres libres. Toutefois, un rapport publié en octobre dernier par l’Institut national de santé publique (INSPQ) montre que les boissons sucrées sont de loin la principale source de sucres libres dans le panier d’épicerie (58%) suivies des desserts (22%). Selon Céline Plante, conseillère scientifique à l’INSPQ, la contribution de ces aliments pourrait être encore plus importante puisque les données sont basées sur les achats alimentaires seulement. « Au-delà de ça, il y a tout ce qui est consommé à l’extérieur de la maison, par exemple dans les restaurants », spécifie-t-elle.

Des solutions?

Dans son rapport, l’INSPQ propose différentes pistes d’action pour réduire l’impact des boissons sucrées sur la santé : promouvoir l’eau, reformuler les boissons sucrées et dénormaliser la consommation des boissons sucrées en réduisant leur promotion et leur présence dans certains lieux ainsi qu’en les taxant. Selon Céline Plante, « il faut avoir plusieurs stratégies différentes ».

Si la reformulation des boissons sucrées ne semble pas s’opérer à vitesse grand V, il en va autrement pour la reformulation des yogourts. Déjà, on retrouve sur le marché des yogourts aromatisés avec 25%, 30% ou même 40% moins de sucre que les versions originales. « Une bonne partie du travail de différenciation des sucres sera à refaire sachant que la composition des produits change », constate Amélie Bergeron. « Ce serait plus facile si l’industrie était forcée de dévoiler la quantité de sucres libres », lance-t-elle.

Dans les prochains mois, les chercheurs évalueront l’effet de la consommation des sucres libres sur les facteurs de risque cardiométaboliques comme la résistance à l’insuline et le tour de taille.

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